DE LA CAPITALE SPIRITUELLE DU MONDE

Bangui, les 29 et 30 novembre 2015

Je l’avoue: j’étais l’un de ces pessimistes qui croyaient que le Pape ne viendrait pas et qu’à la dernière minute, il ne parviendrait pas à nous rendre visite. En effet, à Bangui, maintenant nous pouvons et nous devons le dire, il y a même eu des tirs le jour précédant la visite du Pape. Mais son obstination lui a permis de venir et tout s’est bien passé, mieux que nous l’aurions espéré dans nos prévisions les plus optimistes. Pendant deux jours, les gens arrivés de partout dans le pays ont rempli les rues de la capitale. Ils ont chanté, dansé et crié de joie, ce qui n’était pas arrivé depuis des années. Si la guerre finit vraiment ce jour-là, cela sera non seulement un jour historique mais aussi un miracle.

 En regardant le pape François ouvrir la première Porte Sainte du Jubilé de la Miséricorde, pendant que Bangui devenait à l’improviste la capitale spirituelle du monde, j’ai eu l’impression que ce n’étaient pas deux battants lourds et solennels d’une ancienne cathédrale qui s’ouvraient mais les barres d’une prison. En fait, depuis déjà trois ans, la République centrafricaine est enfermée dans une prison de haine, de violence, de vengeance et de peur et il semble impossible qu’elle puisse s’en échapper. Avant d’accomplir ce geste, le pape Françoisqui a su s’attirer la sympathie et l’enthousiasme de tous, a souhaité dire en sango deux mots que les Centrafricains ont répétés en criant: « Ndoyé, siriri » (Amour, paix)! – comme si ces mots étaient deux clés indispensables pour ouvrir la porte et pour sortir de la prison. Et la porte s’est ouverte.

pape.jpg

En réfléchissant ensuite à ce qui se passait, j’ai pensé à la parabole de l’Évangile dans laquelle Jésus parle du festin d’une noce lors duquel ceux qui occupent les dernières places sont invités à prendre une place plus importante. Pendant une journée, la République centrafricaine, découragée et fatiguée d’arriver toujours en dernier dans toutes les compétitions, trop habituée à occuper toujours les dernières places de chaque liste, parfois même réticente à prendre des risques juste pour éviter de faire mauvaise impression…, au moins pendant une journée la République centrafricaine a connu le frisson d’avoir une place d’honneur au banquet des nations, d’occuper la première place sur un podium où elle n’espérait jamais monter. Pour une fois, nous avons finalement de bonnes nouvelles et des images de paix de Bangui.

Bien que nous soyons tout à coup devenus les premiers de la class e et laissez-nous, au moins pour un certain temps, profiter de ce complexe de supériorité, la tâche à accomplir reste difficile. Nous ne savons pas encore ce que signifie être la capitale spirituelle du monde, mais maintenant, c’est à notre tour de tout faire pour ne pas vous décevoir. François nous a suggéré une voie inspirée par le nom de ce pays situé en plein centre du continent, mais dont le monde ignorait l’existence jusqu’à ces derniers jours. En sango, Centrafrique se dit Be-Afrika, ce qui signifie Cœur de l’Afrique. Et voici l’interprétation originale du pape François: « Ce pays au nom si suggestif, situé au cœur de l’Afrique, est appelé à découvrir le Seigneur comme le véritable centre de tout ce qui est bon et votre vocation est d’incarner le cœur de Dieu parmi vos concitoyens. »

Devenir le cœur de Dieu pour le monde. Voici ce que signifie être la capitale spirituelle du monde. Chez nous, le Jubilé a déjà commencé. Cette fois-ci, non seulement la Centrafrique n’est pas en retard, mais elle est en avance.

Père Federico Trinchero, missionnaire à Bangui