MARKOUNDA EN DETRESSE

Par Père Guy-Alain

La Sous-Préfecture de Markounda est réellement en détresse. Ladite Sous-préfecture est l’une des sous-préfectures qui composent la Préfecture de l’Ouham. Elle a une superficie d’environ 7.000 Km2 et une population de 38.191 habitants repartie dans les 123 villages. Cette population est à majorité juvénile. La Sous-préfecture de Markounda est au Nord de la République centrafricaine à 480 km de la capitale Bangui, faisant frontière avec le Tchad. Elle a une population pauvre qui vit que de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.

Depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, la Sous-préfecture peine pour son essor social, économique et administratif : Absence d’une vie meilleure, d’un personnel qualifié de santé. Souvent, ne sont envoyés que des agents de sécurité ou Assistants de santé pour 38 191 personnes ; l’éducation reste une situation préoccupante pour l’avenir des enfants : 3 ou 4 Instituteurs pour 9 000 élèves qui sont dans les 42 écoles dont 6 bâtiments seulement en semi-dur.  Absence d’une infrastructure administrative, etc…

 

Avec  la crise militaro-politique qui persiste dans notre pays en général et la Sous-préfecture de Markounda en particulier, cette situation est devenue dramatique :

  • Elle connaît un mouvement de déplacement interne et l’afflux des personnes déplacées du Tchad (les peulhs, les enfants, etc…)
  • L’insécurité dans la ville et les villages environnants ne permet pas à la population d’entreprendre les activités champêtres et autres ;
  • La dégradation des routes rend la Sous-préfecture enclavée ;
  • La fausse rumeur ne permet pas aux humanitaires d’assister comme il se doit la population.

Et, avec le dernier événement, la situation devient encore très préoccupante.

 

 En effet, le vendredi 29 Décembre 2017 vers 10h, nous avons été informés d’une attaque lancée par un groupe armé non identifié sur la base de selekas à Bodjomo, village situé à 30 km de Markounda. Cette nouvelle s’est répandue rapidement dans la ville et étant paniquée, toute la population, y compris les peulhs, est venu se mettre à l’abri dans l’enceinte de l’Eglise catholique, ainsi que les villages périphériques. La MINUSCA a rapidement sécurisé le site. Après deux jours, on a mis en place un Comité de crise ayant pour mandat d’enregistrer les déplacés et gérer le site.

Selon les différents témoignages , ce jour là 29 décembre 2017 vers 4h du matin, 5 personnes armées sont entrées dans la ville de Bodjomo pour ouvrir le feu sur les selekas en bléssant leur Comzone et peu après, se sont repliés sur les axes pour tendre des embuscades. C’est ainsi qu’ils ont réussi à tuer deux selekas. Et, par représaille, les selekas ont brulé 15 maisons à Bodjomo. Ensuite dans le Village Bazoli , les selekas ont tué 2 civils (Maitre parent KOISSET et son petit frère BENINGA Sébatient et brulé une vingtaine de maison après avoir découvert  2 selekas tués par les RJ.

Au village Boulo, les RJ ont tué un seleka et blessé un autre. En représaille, les selekas ont brulé une dizaine de maison.

A partir de cette date, commence une ère d’insécurité dans la Sous-préfecture :

  • 2 Janvier 2018; affrontement dans la ville de Markounda entre les deux groupes rebelles (Ex selekas et RJ). D’après la version des RJ : ce jour là, à 10h, les RJ étaient dans leur base entrain de se concerter pour le repas du jour, soudain, deux selekas se sont rendus chez eux comme d’habitude et certains éléments ont crié  en disant seleka ! seleka ! subitement les autres ont ouvert le feu sur les deux en les tuant. C’est ainsi que ces derniers ont décidé d’aller prendre d’assaut la base des selekas. Mais, arrivant au niveau du marché, les commerçants musulmans ont tiré sur eux et cet échange de tir a duré  30 au 45 minutes. Suite à cela, il y a eu 3 morts et 2 blessés du coté RJ ; 2 morts et 7 blessés graves du coté seleka ; 1 mort civil (Jeune deprimé du nom MIABE Giscar). Puis, 2 maisons, servant de base des RJ, brulées et plusieurs maisons pillées.

Suite à cet affrontement, les RJ se sont retirés dans le village de Badama à 5 km de Markounda sur axe Bodjomo.

  • Ensuite, du 14 au 15 Janvier 2018, on assiste à un affrontement entre les mêmes groupes armés au village Badama. Les selekas sont partis attaquer les RJ dans ce village. A la fin de cet affrontement pendant deux jours, il y a eu un mort et un blessé du coté RJ. Une trentaine de bœufs disparus et retrouvés après.

 

  • Le 21 Janvier 2018 vers 5h , selon des témoignages concordants, les gens de ce village ont volé deux bœufs des éleveurs peulhs et ces derniers sont partis demander secours aux selekas pour venir venger leurs bœufs volés. C’est ainsi qu’un groupe d’hommes armés sur trois chevaux sont entrés dans le village pour tuer 3 personnes civiles (un homme de 50 ans, une femme avec son fils de 4 ans qu’elle voulait sauver), blessé 7 personnes, brulé 4 maisons et 2 motos brulées avant de s’en fuir dans la brousse.

 

  • 21 Janvier 2018 vers 5h toujours, ce même groupe a failli attaquer le village Gbangoro situé à 10 km de Markounda, mais ils n’ont pas réussi leur mission, car à cette heure-là, un camion quittait Markounda pour Bangui en prenant cette route et les malfaiteurs, en écoutant le moteur, ont pensé aux MINUSCA, ils ont pris fuite. Selon plusieurs témoignages, ces malfaiteurs sont au nombre de 9 personnes sur 3 chevaux.

 

Depuis le premier jour de la crise jusqu’à présent, il y a un sérieux problème d’insécurité dans la sous-préfecture de Markounda :

  • Les deux groupes armés ne se sont pas encore réconciliés et chacun est toujours en position de tir ;
  • L’augmentation du nombre de selekas dans la ville de Markounda est une réelle inquiétude pour la population.
  • La présence des hommes armés en chevaux dans la brousse, à la quête des biens de la population rend la situation sécuritaire très difficile.
  • La présence des autres selekas qui font le braquage sur les axes, les chemins du champ et partout, devient une préoccupation pour la campagne agricole qui s’annonce déjà.
  • L’absence des patrouilles pédestres des éléments de la MINUSCA sur les axes et dans la ville de Markounda est une situation préoccupante pour le retour d’une paix réelle dans la Sous-préfecture, car ces malfaiteurs se retirent souvent dans la brousse.

 

Situation Humanitaire

  • Suite aux affrontements des groupes rebelles dans la sous-préfecture et l’insécurité qui y règne, la situation humanitaire est devenue dramatique pour 000 personnes qui ont abandonné leurs maisons pour se mettre à l’abri dans le site et dans des familles d’accueil.

Sur le site de l’Eglise Catholique de Markounda centre, nous avons 7460 personnes déplacées venant de 22 villages et plus de 8540 personnes déplacées venant des 24 villages se trouvent dans des familles d’accueil.  Ces personnes, en quittant leurs maisons, n’ont pas eu le temps de tout prendre. Elles ont pris seulement le nécessaire pour survivre pour quelques jours.

  • L’Eau est le premier problème humanitaire sur le site, car il n’y a que deux forages lesquels ne suffisent pas au besoin de 7460 personnes. CICR a voulu résoudre le problème, mais en vain. Les déplacés sont obligés de prendre des risques pour aller chercher de l’eau dans le quartier sinistré.
  • Hygiène et Assainissement: Il y a une accumulation d’ordures (deux trous ne suffisent pas), Il n’y a pas d’hygiène pour les latrines et les douches construites par la CICR. Cela nécessiterait un service qualifié d’hygièniste.
  • Santé : il y’a un problème crucial à ce niveau. Il n’y a pas de structure adaptée, ni des personnels qualifiés, pas de médicaments disponibles en déehors de quartem, Ibuprof et paracetamol utilisés au poste de santé MSF Hollande ; pas de consultation des femmes enceintes sur le site.
  • Abri : Manque de protection des intempéries, manque de vie privée, manque d’espace pour les enfants et il y a un problème de capacité d’accueil.
  • Education : L’éducation des milliers d’enfants sur le site reste une situation préoccupante.

 

Mais face à ces difficultés énumérées ci-haut, des Institutions, ONG et Hautes personnalités ont déjà contribué et ne cessent de chercher des solutions pour pallier à ces crises :

  • 6 Janvier 2018 : arrivée de la mission MINUSCA, composée du Chef du Bureau MINUSCA Bossangoa et son équipe, Prefet de l’Ouham et Chancelier, le Réprésentant de l’Evêque de Bossangoa. Cette mission a pour but de s’imprégner de la réalité de la crise, afin de chercher des solutions.
  • Dès le début de la crise, l’Evêque de Bossangoa ne cesse de soutenir spirituellement, moralement et matériellement les déplacés sur le site de l’Eglise Catholique et demeure à la recherche d’un retour à la paix. Il a mis à disposition un camion du diocèse pour l’acheminement des dons reçus.
  • La Deputée de Markounda s’investit beaucoup dans l’assistance humanitaire et la recherche d’une solution à cette crise. Elle a contacté la Coordinatrice Nationale des Actions Humanitaires en Centrafrique et Madame le Ministre des Actions Humanitaires et de la Réconciliation Nationale pour une éventuelle assistance humanitaire aux déplacés de Markounda.
  • MSF HOLLANDE sur place à Markounda, a doublé la dotation en médicament conseillé par leur protocole.
  • Le 11 Janvier 2018 : CICR a effectué un voyage d’évaluation sur le site de Markounda.
  • Le 9 Janvier 2018 : 2ème mission de la MINUSCA civile conduite par Monsieur Abraham du Droit de l’Homme dans le but de toucher du doigt le respect de Droit de l’Homme dans la crise.
  • Le 16 Janvier 2018 : 6 nouveaux nés et 114 femmes enceintes ont reçu les tous premiers dons de l’Association José del Río qui a son siège à France. La dite Association a fourni l’électricité sur le site.

Ces dons sont composés de : 6 bassines, 10 seaux, 6 draps, 6 essuie-corps, 6 complets pull-over, 6 complets habits avec chapeau, sucette et bavoir, 6 complets habits simples, 6 douzaines de slips, 5 douzaines d’alèses, 5 cartons d’Omo, 10 cartons de savons lessives et 5 sacs  sel, 250 litres de gas-oil, 100 l d’essence, 4 rouleaux de fil électrique, 30 douilles, 30 Ampoules, 20 prises, etc…

  • 17 Janvier 2018 : L’arrivée de la mission MENTOR conduite par Monsieur Hans Van Dillen, Coordonnateur d’urgence de MENTOR. A la fin de leur mission, ils ont remis un lot de médicament à Monsieur le Sous-Préfet de Markounda pour les Déplacés.
  • Du 24 Janvier au 1° Février 2018 : CICR a construit 24 latrines, 16 douches et a distribué aux 1087 ménages le vivre composé du riz, céréales, sel et huile et le non vivre contenant kit cuisine, bache, pagne, bidon, cuvette, 4 morceaux de savon, 2 couvertures. Ils ont voulu réparer les deux forages de l’Eglise Catholique, mais il y a un problème sur les deux pompes.
  • 26 au 27 Janvier 2018 : Mission de l’UNICEF avec son partenaire BSF (Bangui Sans Frontière) pour évaluer la situation scolaire sur le site. A la fin de cette mission, ils ont promis d’ouvrir l’école sur le site des déplacés. Effectivement, l’ONG BSF est revenue le 8 Février pour commencer ses activités.
  • 27 Janvier 2018 : Arrivée du don de Ministère des Actions humanitaires et la Réconciliation Nationale à Markounda. Ce don est composé de : 100 sacs de riz, 100 sacs du sel, 44 Cartons de chemise femme, 33 Cartons de chemise homme, 5 Cartons de jupe fille et 5 balles de friperie enfant. Ce don est distribué aux personnes de 3ème âge, Handicapés, Femmes enceintes et aux quelques ménages de Gbangoro et Defei  arrivés après la distribution de CICR.
  • Le 27 Janvier 2018 ; Caritas Bangui a envoyé par l’intermédiaire de la Caritas Bossangoa le don suivant : 10 sacs de vêtement, 1 balle de friperie

2 cartons de chaussures et 12 seaux d’eau. Le don de la Caritas concerne les Veufs, Veuves et les Orphelins.

  • 31 Janvier 2018 : Arrivée de Commandant de Bataillon MINUSCA Bossangoa à Markounda pour se rendre compte de la situation sécuritaire dans cette ville.
  • Le 7 Février 2018 ; l’arrivée de la Caritas Nationale sur le site pour évaluer à son tour les besoins des déplacés afin de réfléchir sur une éventuelle assistance.

Sachant que ces différentes visites et promesses sont des signes prometteurs pour les déplacés, mais le niveau d’alerte ne cesse d’augmenter, c’est pour cela que nous crions en disant :

  • Les 16 000 personnes en détresse dans la Sous-préfecture de Markounda ont le droit comme les autres d’être sécurisées et assistées ;
  • les 2400 enfants en détresse ont le droit comme les autres enfants du monde à être protégés et avoir accès à l’éducation ;
  • les femmes enceintes en détresse ont le droit d’accoucher comme les autres dans des conditions normales et dignes ;
  • les personnes du 3ème age en détresse ont le droit comme les autres d’ être prises en charge.

Chaque personne a le droit de bien vivre et circuler librement.