Nouvelles du Carmel de Bangui, nº 18 – 7 septembre de 2017

Bonjour !

 

Cette fois-ci, les nouvelles – et surtout les photos – n’arrivent pas de Centrafrique mais du Cameroun, d’où je suis rentré il y a quelques semaines.

Le but officiel de mon voyage était une rencontre de nos jeunes en formation avec nos confrères de Yaoundé, la capitale du Cameroun. La session, dont le thème était la doctrine de Saint Jean de la Croix, a été animée par le Père Jean-Baptiste, carme français d’Alsace, qui est missionnaire au Sénégal et violoniste excellent.

 

Le voyage a duré onze jours. Nous avons parcouru 4000 km. Après notre arrivée à Yaoundé, un confrère qui n’avait jamais entrepris un voyage aussi long, m’a demandé avec un air découragé: « Et maintenant? Comment rentrerons-nous à la maison? » Pour nombre d’entre nous, ce voyage était une « première fois » dans de nombreux domaines: la première fois dans un pays étranger, la première fois qu’ils voyaient un train, un viaduc, un tunnel, le trafic intense d’une ville enchevêtrée et compliquée comme Yaoundé, un autocar à deux étages, un pétrolier, une montagne et surtout la mer, en l’occurrence le grand océan Atlantique.

C’était aussi la première fois qu’ils visitaient un monastère de carmélites. Avec nos sœurs cloîtrées d’Étoudi, nous avons prié et avons vécu un moment de partage. Désormais, nous avons l’intention et l’espoir de construire une maison de carmélites à Bangui… mais ce n’est pas encore pour bientôt !

 

Après la réunion, nous sommes allés jusqu’à la côte de Kribi, près de la frontière avec la Guinée Équatoriale.

Cela a été un moment inoubliable, presque touchant. Les photos vous transmettront un peu de la joie vécue par mes confrères. Nous avons passé toute la matinée sur une plage magnifique où une rivière se jette dans la mer par une grande cascade. Pour atteindre la plage, il faut traverser la rivière en bateau. Quelques-uns n’ont pas caché leur appréhension devant l’immensité de la mer et le bruit des vagues. Nous nous sommes bien amusés lorsque certains d’entre nous ont goûté l’eau salée, écrit leur nom sur le sable humide ou regardé le mouvement continu des vagues, incapables d’imaginer que de l’autre côté de cette étendue d’eau infinie, il pourrait y avoir le Brésil. D’autres n’ont pas résisté à la tentation de remplir une bouteille d’eau de mer pour la ramener en Centrafrique dans leur village natal, comme si c’était de l’eau de Lourdes ! Évidemment, nous n’avons pas renoncé à un match de football et même le soussigné qui, hormis son âge et quelques centimètres en moins n’a rien en commun avec Gianluigi Buffon, s’est laissé persuader de jouer un peu… juste le temps de se tordre le pied ! Avant de partir (il a été bien difficile de faire sortir de l’eau ceux qui auparavant en avaient tellement peur !), nous avons mangé de très bonnes crevettes pêchées parmi les rochers dans la matinée. Le Cameroun doit son nom à ce crustacé.

 

Nous avons également fait un court arrêt à La Dibamba, aux portes de Douala. Il s’agit d’un ancien camp militaire allemand qui a ensuite été transformé en léproserie. C’est un lieu de grande compassion, actuellement dirigé avec une grande ferveur et beaucoup de discrétion par nos sœurs missionnaires carmélites. Il y a encore des personnes atteintes de tuberculose et de lèpre. Ici, nous avons pu prier sur la tombe de Robert Naoussi, jeune camerounais mort de la lèpre en 1970 à l’âge de 23 ans seulement et qui est aujourd’hui sur la voie de la béatification. Ses yeux, ses paroles et la force avec laquelle il a accepté une maladie considérée comme infamante, a frappé tout le monde.

Personnellement, j’ai eu ensuite la chance de visiter rapidement le monastère trappiste de Koutaba, près de Baffoussam non loin de la frontière avec le Nigéria. La liturgie des moines est très suggestive. Elle se déroule au rythme de la kora, du tam tam et d’autres outils en bois. C’est vraiment un exemple réussi de l’inculturation africaine. L’aménagement du monastère est intéressante en raison de certains choix architecturaux: briques de terre crue compressées, voûtes nubiennes, toits en pierre de lave, sculpture sur bois, décorations en bronze fabriquées par les musulmans de Foumbam… Beaucoup de belles idées pour ce qui sera – si Dieu le veut – notre nouveau couvent de Bangui. Les moines produisent du café, des confitures de mangue, de la papaye, de l’ananas et des plantes médicinales à base des plantes tropicales. Je rencontre avec plaisir Jean-Félix, un moine centrafricain qui en souriant, me raconte en quelques mots l’histoire incroyable qui l’a amené jusqu’ici: « Fade so, mbi gi Nzapa ge ! » « Maintenant, je cherche Dieu ici ! »

À Koutaba, parmi rêves et prières, une nouvelle d’Italie arrive: le Père provincial m’informe que ma fonction de père Maître des frères étudiants à Bangui a été renouvelée pour trois ans. J’accepte et je remercie pour cette marque de confiance. Ainsi commence un nouveau bout de chemin !

 

Sur la route du retour, nous nous sommes arrêtés au monastère bénédictin de Babete, célèbre pour son élevage de vaches laitières, plutôt rare en Afrique. Il serait beau de commencer l’élevage de cette race à Bangui ! Les carmélites produisent du yaourt, du beurre, du savon à l’aloe vera, une liqueur, des confitures, du miel, des fruits tropicaux séchés, des herbes médicinales… J’en ai profité pour acheter quelques cadeaux pour mes confrères restés en Centrafrique.

 

À notre retour, nous rencontrons au Carmel le Père dominicain Richard Appora, mon ancien collègue d’enseignement au Séminaire Majeur de Bangui. Il y a quelques mois, malgré son jeune âge, il est devenu évêque de Bambari, un diocèse centrafricain grand comme la moitié de l’Italie: la paroisse du nord à la frontière avec le Tchad, est éloignée de 943 km de celle qui se trouve le plus au sud au bord du fleuve Oubangui à la frontière avec le Congo. Malheureusement, c’est une zone marquée encore par de violents affrontements, des pillages, des villages brûlés… La guerre en Centrafrique n’est pas finie.

Le développement du Cameroun, un pays qui connaît la paix depuis 30 ans, est impressionnant, mais aussi inspirant. Je termine avec les mots que le frère Élisée a prononcés après avoir remis le pied à Bangui: « Au travail les frères ! Nous devons prendre en main notre pays. Nous sommes trop en retard. Donnez-moi quelque chose à faire! » Le père Maître, dont la fonction vient d’être renouvelée, fatigué du voyage mais heureux des résultats que cette aventure a apportés, ne tardera pas à trouver les tâches qui permettront aux étudiants de canaliser leur enthousiasme pour le développement de leur pays.

 

Un grand merci à tous ceux qui nous ont accueillis et qui de différentes manières, nous ont permis de réaliser ce voyage. Après 4 ans de guerre, il nous a apporté un peu de repos.

 

Nous avons pensé à vous lors de notre visite au tombeau du frère Jean-Thierry Ebogo, jeune carme camerounais mort en 2006, lui aussi en chemin vers la béatification. Avant de mourir, il avait promis une pluie de vocations au Carmel africain. Nous pouvons dire que nous sommes en plein orage !

 

 

Je vous embrasse

 

Père Federico et ses confrères